Susanna Mälkki sort tout juste de répétition, souriante et « heureuse », dit-elle, d’évoquer à la fois l’Orchestre de l’Opéra de Paris et un « chef-d’œuvre de la musique du XXe siècle que le public n’a pas assez souvent l’occasion d’applaudir ».
Créé à la Fenice de Venise en 1951, The Rake’s Progress s’inspire d’un cycle pictural du Britannique William Hogarth (1697-1764) sur l’ascension et la déchéance de Tom, jeune paresseux avide de gloire et de plaisirs. « Pour écrire son livret, Igor Stravinski a fait appel au grand poète Wystan Hugh Auden dont il goûtait la musicalité poétique, rappelle Susanna Mälkki. Le texte, extrêmement volubile, est un terrible défi pour les chanteurs.»
Alliance des contraires
Orfèvre du répertoire moderne et contemporain, la cheffe finlandaise admire l’art avec lequel le compositeur « allie le grotesque au quasi-religieux, la satire à l’émotion la plus poignante, notamment à la fin de l’ouvrage quand Tom a sombré dans la folie et s’est retiré dans un autre monde». Exemple de maîtrise, The Rake’s Progress s’écoute comme une synthèse virtuose « des différents visages de Stravinski : l’auteur des Ballets russes au début du XXe siècle, le musicien résolument moderne, le néoclassique revisitant l’histoire de la musique pour en nourrir son irréductible originalité ».
Entre répertoire symphonique et lyrique, Susanna Mälkki compte depuis des années parmi les « maestras » sollicitées par les scènes internationales. De Mozart à sa compatriote Kaija Saariaho (décédée en 2023), la sûreté de son geste et la clarté de sa vision triomphent des exigences les plus affûtées. Et si la raison l’emporte parfois sur la passion, sa direction frappe par sa limpidité et son intégrité.
Tous les métiers de l’Opéra
« J’adore travailler les petits détails, si importants, avec les instrumentistes et les chanteurs », confirme celle qui prend soin, à l’opéra, d’assister à toutes les répétitions, « car c’est là que l’on déjoue ensemble les pièges de la partition, que l’on construit l’édifice tous ensemble». Un « ensemble » qui comprend également les équipes techniques, les ateliers de costumes et maquillage, la régie, les lumières… « Le degré de compétence de l’Opéra de Paris est particulièrement impressionnant à tous les niveaux», s’enthousiasme-t-elle sans même qu’on lui pose la question.
Dans la reprise par Olivier Py de sa mise en scène pétrie de tendre humanité, créée au Palais Garnier en 2008, l’ambitieux Tom sera incarné par le ténor Ben Bliss. « Il est l’artiste idéal pour ce rôle ambigu que l’on aime et méprise à la fois, assure Susanna Mälkki. Il en exalte aussi bien la fragilité que l’arrogance de désirs qui le dépassent et le perdent. »
À l’Opéra de Paris, du 30 novembre au 23 décembre.